Elevage Cocker

Les trafiquants d'animaux


L'importateur n° 1 de chiens de l'Est tombe

ET APRES ?


En quelques années les importations de chiens ont totalement changé. D'un côté les pays de l'Est, République Tchèque, Slovaquie, Hongrie, se sont imposés grâce à des tarifs sans concurrence et une politique commerciale agressive. De l'autre, une poignée de courtiers seulement sont devenus en très peu de temps les interlocuteurs privilégiés des animaleries, lesquelles se développent d'une manière spectaculaire. Tout à coup, l'on découvre que le marché du chien est passé à la dimension... industrielle. À un système dominé par les ventes directes on en vient, comme dans tous les autres domaines, à la grande distribution et sa politique de " flux tendu ". Le plus important broker tombe, mais qui va remplir le vide qu'il laisse ? Un vide si important même qu'il ne serait pas impossible qu'il reprenne dans quelque temps ses activités.

C'est dans des cages métalliques sur roulettes que les chiots sont entassés par dizaines et sur trois étages en attendant d'être livrés dans les différents points de vente.



Mardi 21 novembre, vers 19 h, un camion chargé de cent cinquante chiots provenant de Hongrie et de République Tchèque arrive chez le plus important courtier en chiens de France. Les gendarmes, sur les lieux depuis 10 h du matin, assistés du Dr Franck Famose, de la Brigade nationale des enquêtes vétérinaires de Nogent, constatent que vingt et un d'entre eux sont âgés de six semaines au plus. Ils procèdent immédiatement à leur saisie pour les remettre à une association de protection. Légalement, ces chiots devraient avoir au moins trois mois, comme l'indiquent d'ailleurs les documents qui les accompagnent. Et bizarrement, ils apparaissent comme tous nés le même jour, alors qu'ils sont de races et de provenances très diverses ! Deuxième bizarrerie les certificats de vaccination mentionnent une date de vaccination... antérieure à leur naissance ! Deux cents autres de provenance irlandaise (tout au moins s'il faut en croire les papiers qui leur correspondent), non tatoués, se trouvaient dans des box le mardi matin au début de la perquisition. Par la suite, un couple de Néerlandais est arrivé pour négocier la vente d'une portée de chiots, ainsi que d'autres camions en provenance des animaleries retournant les chiots, ce qui porterait à sept cents environ le nombre d'animaux vivants détenus par l'établissement, lequel ne peut plus actuellement les vendre. Les gendarmes ont aussi découvert lors de la perquisition, qui a duré une dizaine d'heures, soixante-treize cadavres de chiots dans un congélateur - encore n'étions-nous qu'en début de semaine. Et puisque nous en arrivons aux détails sordides, allons jusqu'au bout. La mise au congélateur de cadavres de petits animaux est une pratique courante dans tous les élevages de type industriel, l'équarrisseur n'enlevant que ceux au-dessus de 40 kg. Mais si ces élevages s'efforcent d'obtenir une mortalité minimum - qui conditionne directement leur rentabilité - chez ce courtier en chiens qui n'élève pas, en dépit d'une dénomination commerciale pour le moins ambiguë, la mortalité " avouée " par le gérant est considérable : de l'ordre de 30 % ! C'est ainsi que dans la comptabilité épluchée par la brigade financiaire, on en arrivait pour l'année 1999 à un total de 7 430 kg de cadavres de chiots enlevés par l'équarrisseur

PLUS DE SEPT TONNES A L'EQUARISAGE : LE COMPTE N'Y EST PAS

En dépit de l'énormité d'un tel chiffre, il est évident que le compte n'y est pas. 2 500 chiots morts par an, c'est en effet fort peu quand on les compare aux statistiques tenues par les services douaniers du département, qui avaient recensé près de 40 000 chiots en provenance de Slovaquie, République Tchèque et Hongrie. Auxquels il convient d'ajouter ceux provenant (théoriquement !) de pays de l'Union européenne, notamment de Belgique et d'Irlande. Les deux cents chiots irlandais trouvés par les gendarmes angoumoisins lors de leur perquisition tendent à prouver que les animaux européens constituaient une source d'approvisionnement importante. Bien que difficilement quantifiable en raison des contraintes administratives réduites au minimum pour des chiots circulant à l'intérieur de l'Union européenne ils doivent être munis d'un certificat sanitaire, sans nécessité de tatouage ni d'identification individuelle. Il ne faudrait pas négliger des particuliers et des éleveurs, venant parfois de fort loin, ainsi que l'atteste l'arrivée de chiots hollandais : un total de 50 000 chiots transitant par cet unique établissement apparaît comme vraiment très raisonnable et peut-être en dessous de la réalité. Une mortalité limitée irait de pair avec la politique du " flux tendu " - nous sommes là dans une logique économique où les chiots sont ravalés au niveau de marchandise quelconque. Quelquefois très jeunes, comme l'attestent les vingt et un saisis, donc mal sevrés, ils peuvent passer jusqu'à une semaine dans divers moyens de transport, camions, trains, et même avions, selon le type de circuit certains chiens " made in Ireland " viendraient en fait des pays de l'Est par exemple. Mais même dans le cas du circuit le plus court, il faut laisser le temps au rabatteur de prendre livraison (dans bien des cas, de simples particuliers> pour constituer les lots commandés. Ces jeunes animaux très stressés sont prédisposés à tomber malades, même en supposant qu'ils aient été élevés dans des conditions satisfaisantes. Le mélange des origines concourt à la transmission presque systématique de germes. Le courtier doit donc écouler au plus vite sa marchandise. Pas question d'instaurer huit jours de quarantaine comme le prescrit l'avis aux importateurs de 1990. C'est beaucoup trop long, le risque qu'ils crèvent dans les pattes de l'importateur est trop grand. On tatoue et on vaccine donc " au cul du camion " ! Ce qui explique une inculpation, entre autres, pour exercice illégal de la médecine vétérinaire.

MA PETITE ENTREPRISE NE CONNAÎT PAS LA CRISE

Un des arguments commerciaux majeurs de ce courtier va cependant à l'encontre d'une mortalité maîtrisée: : il consiste dans la reprise des invendus ou des retours, ce que le Pr Legeay, auteur du rapport sur les ventes en animaleries, nomme pudiquement " second marché ". Ces chiots refusés ou ramenés par les acheteurs étaient donc repris pour être soldés, bradés à des animaleries de seconde zone ? Et au final, à des laboratoires d'expérimentation ? Dans la région de l'importateur, certains ont vu circuler fréquemment des véhicules au nom de laboratoires connus. Si l'on peut penser qu'en les acheminant au plus vite vers les animaleries, le courtier arrive à " limiter la casse ", celle-ci doit être importante avec les animaux du second marché. 15 000 petites boules de poils à la poubelle, voilà le déchet prévisible généré par ce seul établissement, qui pourrait même s'avérer plus élevé puisqu'il est fondé sur les seuls dires du courtier. Mais il ne faut pas s'arrêter à l'horreur des chiffres. Ce flux de 50 000 chiots a produit, officiellement, un chiffre d'affaires de 28 millions de francs, 27,908 millions plus précisément. Pas mal pour une petite entreprise unipersonnelle employant neuf personnes. Chaque employé génère donc un CA de 3 millions de francs, ce qui semble remarquable ! Une entreprise en progression spectaculaire depuis sa création en décembre 1989. En cinq ans, son chiffres d'affaires a été presque multiplié par trois. Quant à son résultat net officiel, il se montait à 1,8 million en 1999, soit un rendement supérieur à 6 % : l'entreprise est plutôt performante. Un autre établissement spécialisé dans le courtage des animaux familiers, créé voici quatre ans seulement, apparaît lui aussi en pleine ascension son chiffre d'affaires a tout simplement doublé en deux ans, passant de 6,1 à 12,5 millions de francs. Ces établissements font à eux deux 40 millions de francs de chiffre d'affaires. Mais compte tenu des pratiques illicites constatées par les deux services de gendarmerie qui se penchent sur leur cas, paiement en espèces, destruction de certificats d'importation pour " franciser " les chiots importés, transit des chiots de l'Est par des établissements de l'Union européenne pour leur donner une origine intra-européenne, sans doute recyclage des cartes de tatouage des chiots morts, ce nombre devrait être sérieusement revu à la hausse. Deux courtiers auraient finalement un niveau d'activités égal, sinon supérieur, à celui de la Société centrale canine, qui enregistre l'ensemble des chiens de race et gère l'identification de tous les chiens Voilà qui donne un premier aperçu de l'ampleur du phénomène : on est passe d'un trafic très diffus, dont la plaque tournante était la Belgique, à un réseau dirigé par quelques personnes travaillant pratiquement à visage découvert avec l'Europe de l'Est.

INELUCTABLE LE DEVELLOPEMENT DES ANIMALERIES

Pour comprendre comment, en quelques années seulement, on en est arrivé à cette situation, il faut la replacer dans son contexte. Tout d'abord, le développement des animaleries répond à une réelle demande des acquéreurs d'animaux familiers et la question ne se pose donc pas de savoir s'il faudrait limiter leur développement, voire les interdire. Dans une petite enquête faite il y a deux ans auprès d'éleveurs réputés, Cynomag avait pu souligner de nouveaux comportements de leurs clients : répugnant à se déplacer pour voir l'élevage et à choisir le chiot qu'ils commandaient par téléphone, jusqu'à demander une livraison à domicile par l'éleveur. C'est-à-dire un achat par correspondance typique. Et encore s'agit-il a priori d'une clientèle un peu plus avertie que la moyenne puisqu'ayant sélectionné un élevage réputé. Certes, le chien n'est pas une marchandise. Mais faut-il s'étonner que les attitudes des consommateurs ne changent pas radicalement en fonction du bien ou du service espéré ? Le développement des animaleries n'est que la traduction dans le marché du chien d'habitudes de consommation bien ancrées dans le public. D'autre part, l'essor de petits magasins animaliers de centre-ville a des limites : difficile pour un commerçant individuel d'avoir une fourniture régulière, bien diversifiée et sur la base de relations contractuelles. Et puis, il faut aller au-devant du consommateur, c'est-à-dire principalement dans les centres commerciaux. Pour comprendre l'évolution rapide du commerce des chiens en France, et celui des gros courtiers qui est absolument lié, il faut aussi voir que le marché est resté très longtemps figé. La Société Centrale Canine, et derrière elle la majorité des éleveurs cynophiles est restée bloquée sur l'amateurisme comme principal mode de production des chiens. Un aveuglement majeur, aujourd'hui que le marché du chien est estimé à plusieurs dizaines de milliards de francs. Que l'amateurisme authentique ait une place, c'est indispensable puisque le chien et son élevage sont très souvent objet de passion, mais l'acharnement à refuser la moindre professionnalisation apparaît indiscutablement comme un anachronisme qui pèse lourd dans la situation actuelle. Surtout que beaucoup de professionnels du chien sont en fait des artisans: pas de quoi effrayer véritablement le passionné. Pourquoi, alors, la cynophilie officielle refuse-t-elle - rappelons que l'accès à la direction des associations de races reste souvent interdit aux professionnels du chien, de même que l'accès aux fonctions de juge - depuis si longtemps et avec autant de vigueur les professionnels dans ses rangs ? Les raisons invoquées semblent couler de source : en tant que dirigeants ou juges, ces professionnels pourraient avoir tendance à favoriser leurs clients et leur production, introduisant une notion de profit dans un secteur voué au bénévolat. Il serait facile de limiter cette confusion entre les intérêts personnels et ceux de la race ; si un juge ne pouvait juger par exemple qu'une exposition internationale par an, un éventuel favoritisme serait forcément limité, mais cela signifierait qu'il faudrait augmenter le nombre de juges, alors qu'une petite dizaine s'accapare actuellement les faveurs des organisateurs d'expositions; de même des dirigeants faisant une promotion éhontée pour leur élevage seraient annihilés si plusieurs associations pouvaient co-exister, les instances administratives pouvant agréer l'association la plus représentative et/ou demander un regroupement d'associations pour prendre les décisions sélectives qui s'imposent. Les raisons du refus du professionnalisme de la Centrale sont faciles à deviner : maintenir au maximum les personnes et les associations en place.

LA CARENCE DE L'ÉTAT A BLOQUÉ L'ORGANISATION DU MARCHÉ

On peut objecter que toute association fermée a une tendance pour ainsi dire naturelle à camper sur ses positions. Dans le cas d'un monopole accordé par l'État, celui-ci doit faire contrepoids par des contrôles réguliers et une réglementation spécifique. Mais en matière de chiens, il faut parler d'une véritable carence administrative : la Direction de la production du ministère de l'Agricul-ture a abandonné la partie depuis plus de quinze ans. Il est vrai que ses tentatives de contrôler les activités de la SCC ont été plutôt maladroites : sa décision d'imposer un représentant du ministère au Comité avec droit de veto a été cassée par le conseil d'État. On comprend ainsi que quelques années plus tard, le minis-tère de l'Agriculture n'ait pas réussi à lui imposer de nouveaux statuts, ni à faire appliquer la loi sur l'élevage à l'espèce canine. La DGAL (Direction générale de l'alimentation), autrement dit la Direction vétérinaire de l'Agriculture, a depuis été appelée à succéder à la DPE (Direction de la production et des échanges). Elle hérite d'une situation où la SCC sort victorieuse de son bras de fer avec l'administration fiscale et se sent confortée dans sa mission de service public. Et où le marché canin s'est transformé en quelques années. Le rapport commandé par le ministère au Pr Legeay montre que quelques courtiers ou brokers ont aujourd'hui la mainmise sur le marché non LOF alors que l'élevage LOF se refuse à la moindre professionnalisation. La première réponse de la DGER (Direction générale de l'enseignement et de la recherche) a été d'imposer un certificat de capacité, tout d'abord pour recenser les éleveurs - et en dissuader rapidement une moitié, selon les propos, en privé, d'un représentant de l'administration. Pour les courtiers, elle a semble-t'i1 pris le parti d'entériner la situation existante. Au prix, il faut le souligner, de leur accorder des dérogations tacites puisqu'ils déclarent ne pas pouvoir appliquer en l'état actuel la réglementation. C'est ainsi qu'il y a un peu plus d'un an, le courtier actuellement inculpé d'importations illicites a montré aux représentants de la DGAL, qui ont en charge les directions vétérinaires départementales, des bons de douane mentionnant simplement des " lots de x chiens vivants ", l'élément apparemment essentiel de ces documents étant que les chiots étaient vivants, et non pas leur identification, leur vaccination ni leur santé. Autre élément qui a concouru à la situation actuelle : la confirmation. Ce simple contrôle érigé en sélection par les cynophiles a créé une population de chiens d'apparence de race double de celle des chiens LOF. Outre la perte génétique, elle a marginalisé les chiens aux origines connues - pour être honnête, nous ne pouvons passer sous silence que l'ancien président de la SCC a toujours tenu un discours de promotion de la confirmation en désaccord total avec l'opinion dominante des cynophiles. Le problème central des importations est donc là : la production française est dans l'état actuel incapable de répondre à la demande. Le broker n0 1 est tombé, sans que les autorités sanitaires, douanières et de police en relation directe avec lui soient interve-nues. Nous nous garderons d'affirmer qu'il bénéficiait réellement de dérogations ni même d'une tolérance. Il semble cependant que son inculpation embarrasse beaucoup, ne serait ce que parce qu'il travaillait en collaboration avec plusieurs vétérinaires locaux. Un de nos correspondants souligne qu'il est un des rares opérateurs de la filière canine, courtiers et gérants de chaînes animalières, qui " ne soit pas vétérinaire. S'il fallait en sacrifier un, ce ne pouvait être que lui. " Nous ne pouvons accréditer cette explication bien que l'impunité dont il ait joui pose de nombreuses questions.

Gérard Sasias CYNO-MAG

EN DIRECT DE L'EST

Les sociétés d'Europe de l'Est ont commencé à prospecter directement les animaleries : un responsable de magasin du sud de la France nous indiquait, début décembre, que quatre commerciaux slovaques, dont un s'exprimant en bon français, proposaient leus services à toutes les animaleries indépendantes qui font florès sur la Côte d'Azur et alentour. Leurs propositions s'établissaient sur la base de lots de 40 chiots livrés " pas de porte ", vaccinés et ayant passé les formalités de douane... Comme vous pouvez le voir sur le document ci-contre, les prix sont très compétitifs : de 600F pour un berger allemand à 1 600 F pour un bouledogue français. Ils correspondent grosso modo au prix de revient plancher d'éleveurs français, hors frais de commercialisation ni budget de concours et d'expos. Les tarifs peuvent bien entendu baisser en fonction du niveau d'exigences de l'importateur français quant aux vaccinations, aux garanties de santé, etc. et aux quantités demandées. L'exportateur slovaque, qui commercialise 10 000 chiots par an, affirme qu'il est parfaitement en règle avec la réglementation sanitaire de son pays et qu'il ne faut pas assimiler son activité tout à fait légale avec du trafic plus ou moins mafieux. I l peut vous expliquer que le tatouage n'est pas obligatoire dans son pays, mais que les chiots sont identifiés au stylo bille pour que l'on puisse faire correspondre chaque chiot à chaque document. Il met deux jours pour rassembler les chiots commandés, il faut compter ensuite sur trente-six heures de transport. Et l'âge des chiots ? Ce n'est pas un problème : qui peut dire, à partir de l'âge de neuf semaines, s'ils ont ou non moins de trois mois ? Et puis, il n'est pas difficile de donner une origi-ne intracommunautaire à des chiots slovaques. Il suffit de les confier à un transitaire qui les fait dédouaner en Italie. Ayant satisfait aux droits de douane italiens, ils peuvent parvenir en France sans aucun problème! Les exportateurs Tchèques semblent préférer un dédouanement autrichien. Certains vétérinaires ont ainsi examiné des chiots achetés en magasin qui présentaient un autre tatouage s'effaçant très facilement. Un certificat d'un vétérinaire sanitaire mentionne ainsi : " L'animal présente un curieux tatouage entre les deux mamelles inguinales ne correspondant à aucun tatouage lisibles en caractères latin."

L'un des neuf points de douane obligatoires pour l'importation. Après avoir voyagé dans les cages métalliques de la camionnette bleue slovaque (non équipée de système d'aération), les chiots sont ensuite transférés dans le camion blanc de l'importateur français


 

 

Lorsqu'ils arrivent en France, les chiots sont identifiés par un " tatouage " provisoire au feutre qui correspond à un carnet international de vaccination. Ils reçoivent ensuite un tatouage et un carnet de vaccination français.

 



OU L'ON REPARLE DU TATOUAGE

Certaines associations luttant contre les trafics et vols d'animaux remettent depuis longtemps en cause la fiabilité du tatouage comme système unique d'identification. Ainsi, le vétérinaire le plus proche de l'établissement du broker n°1 a-t-i1 évoqué devant nos confrères de la presse régionale " 25 000 tatouages par an ". Si nous comprenons bien ses propos il aurait donc tatoué, à raison de cinq jours ouvrables par semaine, une moyenne de cent chiots par jour. De quoi en attraper des crampes. Il semble étonnant qu'un tel nombre de tatouages n'ait éveillé l'attention de personne : ce vétérinaire commanderait annuellement pour 875 000 frs de carnets de tatouage et ferait le travail habituel de plus de deux cents de ses confrères sans que cela ne suscite la moindre interrogation. Voilà qui est étrange. Autre étrangeté : le syndicat national des professionnels du chien (SNPCC) avait suggéré, pour améliorer la traçabilité chez le chien, de différencier les cartes de tatouages selon l'origine des chiots, en leur attribuant une couleur s'ils étaient nés en France, une autre pour ceux importés. Il lui avait été répondu que si l'idée était intéressante, elle ne pouvait pas être appliquée du fait qu'il existait un lot important de cartes à écouler. Ce que le SNPCC ne savait pas, c'est que le projet d'ajouter un septième caractère au code alphanumérique actuel de six caractères était en cours, et qu'il n'était pas trop tard pour étudier réellement des cartes de tatouages différenciées.


TOUT EST PARTI D'ANGOULEME

Ce sont des allées et venues de camions transportant des chiens sur Blagnac qui ont attiré l'attention de l'adjudant de gendarmerie Lefèvre. Ayant déjà reçu l'association VVAC ( victimes de vols d'animaux de compagnie), il l'a contactée pour vérifier s'il n'y avait pas de recrudescence de vols de chiens. La présidente de VVAC, Brigitte Déal, a alors parlé de cette curieuse affaire à l'ANTAC ( association nationale contre les trafics d'animaux de compagnie) qui a rapidement fait le rapport avec un gros négociant en chiens. Ces deux associations ont eu alors la révélation en février 2000 par les services douaniers du nombre de 40000 chiots importés de l'Est - et dont Cynomag s'était fait l'écho dans son n° 28 en page 32 - à la suite de quoi elles ont envoyé le 7 mars suivant un courrier adressé à la direction régionale des douanes de Midi-Pyrénées. Ce courrier est resté sans suite à ce jour. Il semblerait même que la brigade de Gendarmerie de Blagnac n'ait jamais pu enquêter sur ces camions et leur chargement… On note d'ailleurs que le même établissement a fait l'objet, de la part de la cellule antitrafic de la SPA dirigée par Brigitte Piquet-Pellorce, de deux dépôts de plaintes, l'une le 28 juin 1995, l'autre le 24 avril 1998 : toutes deux classées sans suite. Henri Barbe, président de l'ANTAC, sollicité par la gendarmerie d'Angoulême à propos de vols de chiens en Charente, leur a transmis ce qu'il savait sur ce courtier. Et c'est finalement un supplétif d'enquête demandé par le parquet d'Angoulême - voir Cynomag n° 30 page 10 - qui a permis aux gendarmes charentais de perquisitionner dans le plus gros établissement de courtage français.

EST-IL VRAIMENT TOMBE ?

Le courtier, inculpé pour importations illicites et pour mauvais traitements - selon certains témoignages il pourrait même s'agir d'actes de cruauté - a été relâché, après avoir été placé sous contrôle judiciaire, contre versement d'une caution de 500000 F. il a fait appel de cette décision, dont nous ne connaissons pas le résultat au moment où nous rédigeons ces lignes. Les associations de protection animale sont par ailleurs assez inquiètes. Le dossier ne serait pas, selon certains, exempt de faiblesses d'où l'éventualité que l'enquête ne puisse aboutir. Une manifestation serait en voie d'organisation afin que cette affaire ne tombe pas dans les oubliettes.


LES PLAINTES AFFLUENT

L'inculpation du courtier ayant pris localement une certaine ampleur, les plaintes d'acquéreurs de chiots malades ou présentant des problèmes de comportement, ou des documents étranges, affluent selon les gendarmes. Quelques exemples. Un chiot de type rottweiler né en novembre 1999 et acheté dans une animalerie fournie par le courtier n01 était muni d'une carte de tatouage datée de janvier 1999 : il était donc identifié dix mois avant de naître ! Tel autre, de type bichon, déclaré par le vétérinaire du vendeur ( animalerie) comme ayant trois mois et étant en parfaite santé, est déclaré deux jours plus tard par un autre véto comme ayant la formule dentaire d'un chiot de deux mois maximum et d'une santé déplorable. Et ce chien de genre Cocker Golden qui, après avoir blessé un enfant, a ensuite mordu sérieu-sement par six fois le grand-père de celui-ci, qui avait accepté de le prendre en charge ! Et encore celui-là dont le vétérinaire qui l'a examiné déclare notamment qu'il présente un agent de la gale absent de France depuis de nombreuses années.



Dans la cour de l'établissement, un camion rempli de cages métalliques attend de partir à la rencontre de son prochain chargement.